Une vision née des cendres de la guerre
En 1949, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Japon est en ruine. non seulement matériellement, mais aussi moralement. C’est dans ce contexte que Kihachiro Onitsuka, militaire vétéran, fonde Onitsuka Co., Ltd. à Kobe, avec un enthousiasme sans frontières mais des ressources limitées. (Asics)
Pour Monsieur Onitsuka, le sport n’est pas qu’une question de performance : il incarne la discipline, la rigueur, la solidarité. Il croit que c’est par l’athlétisme que la jeunesse pourrait retrouver fierté, éthique et cohésion. C’est donc à travers le sport qu’il cherche à préserver les valeurs traditionnelles japonaises, ébranlées par l’anéantissement qu’a subi le pays.
Avec un matériel rudimentaire, Onitsuka dessine, conçoit et fabrique des équipements sportifs pour les écoles et jeunes athlètes. Il imagine une chaussure ultra-performante, légère, adhérente. Une prouesse technique née d’une curiosité singulière : l’inspiration viendrait… d’une ventouse de poulpe collée à un saladier. (Onitsuka Tiger)
Cette semelle adhérente permet des arrêts vifs et des départs explosifs, révolutionnant le design des chaussures de basket et marquant la première innovation majeure de la marque

Victoires sportives et rayonnement international
Dès les années 1950, les chaussures Onitsuka deviennent indispensables aux athlètes japonais En 1951, Shigeki Tanaka, jeune marathonien japonais et survivant d’Hiroshima, remporte le marathon de Boston chaussé de modèles Onitsuka, marquant un tournant symbolique dans la reconquête de la dignité nationale
Il gagne en 2h27:45, le troisième meilleur temps de l’événement à ce moment-là, et devient le tout premier Japonais à triompher à Boston. Sa victoire inspire un élan durable pour la course de fond au Japon

La Onitsuka Tiger a inspiré la naissance de Nike
Dans les années 1960, la marque japonaise exporte ses chaussures aux États-Unis. C’est à ce moment-là que Phil Knight, jeune entrepreneur passionné de sport, et son coach Bill Bowerman commencent à distribuer les modèles Onitsuka Tiger sous le nom de leur petite société : Blue Ribbon Sports, l'ancêtre de Nike.
Pendant près d’une décennie, Blue Ribbon Sports sert donc de distributeur officiel d’Onitsuka aux USA. Mais en 1971, les relations entre Blue Ribbon Sports et Onitsuka se détériorent. Knight et Bowerman décident alors de lancer leur propre marque de chaussures : Nike. Leur tout premier modèle, la Nike Cortez, reprend d’ailleurs les patrons originelles et les matériaux de la Onitsuka Tiger.
Les bandes latérales, première fonction esthétique
Onitsuka Tiger lance une ligne emblématique avant les JO de 1968 : les Mexico 66, reconnaissables à leurs bandes croisées. Ce qui semble aujourd’hui purement esthétique était à l’origine un renfort technique, destiné à stabiliser la tige tellement la toile était fine.


En 1977, Onitsuka fusionne avec GTO et Jelenk, donnant naissance à ASICS — acronyme de la maxime latine “Anima Sana In Corpore Sano”, soit “Un esprit sain dans un corps sain”. Petit à petit, Onitsuka Tiger devient une marque lifestyle au sein du groupe ASICS, tandis que la philosophie initiale de discipline et innovation perdure.
La légende prend une autre dimension culturelle avec la version jaune et noir de la paire rendu emblématique par Bruce Lee, et ressuscité dans Kill Bill. Quentin Tarantino tenait à rendre hommage à Bruce Lee avec la Onitsuka Tiger. Sans forcément avoir misé la dessus, la paire basera toute l'iconographie de Kill Bill. (Vogue)
D’ailleurs, tout le film, centré sur la revanche de l’héroïne laissée pour morte, peut être lu comme un clin d’œil à la renaissance symbolique du Japon après la deuxième guerre, incarnée par la Onitsuka Tiger.